Devrais-je avoir peur? Il était tellement agressif. Je n’ai jamais vu autant de haine et de colère dans le visage de quelqu’un. Peut-être que mon collègue a raison : il aurait pu être violent avec moi. Si, d’abord, j’étais fière de mon calme quand il s’est lui-même mis dans le trouble, rapidement, j’ai pensé que c’était peut-être seulement le début de quelque chose de pire. Comment sera-t-il lorsque qu’il reviendra dans ma classe? S’il est calme, il ne sera certainement pas positif… Je ne sais pas quoi en penser… Je m’en fais probablement pour rien… Pourquoi me sens-je plus faible et démunie en expliquant tout cela en français? Parce que je suis plus près de ma langue, de mes mots? L’anglais me permet une distance: me permet-elle une protection cérébrale puisque je dois rationaliser mes impressions en les traduisant? Non, il y a quelque chose dans la syntaxe anglaise qui rend les phrases plus solides, les arguments plus convaincants… Tout comme les insultes… et les mots d’amour. C’est aussi ce que laisse croire les chansons pop et rap… Ce n’est pas tant une question de vocabulaire… C’est une question de rythme et de sonorité. Le ‘’I’’ semble plus fort que le «je», qui est doux, donc faible en comparaison. ‘’The’’ est aussi plus sonore que «le». Il y a plus de ‘’w’’, de ‘’k’’, deux consonnes qui à elles-seules créer plusieurs contrastes, plus de tranchants! J’ai l’impression que mon anglais est plus oral alors que mon français est plus littéraire… Entre autres à cause de la conjugaison aux nombreux temps passés! […] Depuis quelques mois, j’ai des réflexions en anglais. Principalement des observations, des descriptions, plus que des émotions. Oh! I made a mistake. Oh! I dropped a paper. Comme si je sous-titrais pour un malvoyant. Toujours de courtes phrases, souvent vides de sens, mais qui me viennent impulsivement, sans que j’aie à les traduire. Jamais de phrases aussi longues que celle que je viens d'écrire! Ma poésie restera toujours francophone, c’est dans mes veines. Peu importe le nombre de livres que je lirai, je ne pourrais jamais rattraper tout ce que j’ai lu, écrit, entendu, déclaré depuis vingt-cinq ans. Ma force est dans le langage, celui que je maitrise, même si ma langue latine semble moins aiguisée que sa cousine germaine.
(*Ma version anglaise semble encore plus forte une fois révisée avec Google Translate!)
M.B.