Voici ma version.
Autrefois, cela devait être une maison d'une grande valeur. Les limites du terrain, bien qu'imperceptibles étant donné la foisonnante végétation, intéresseraient assurément de nombreux acheteurs. L'accès à la rivière augmentait de beaucoup le cachet de cette demeure pourtant abandonnée depuis un demi-siècle. Pourquoi le 192 rue Dudemaine était-il inhabité depuis si longtemps? C'est ce que voulait éclaircir Pier-Marc Tousignant, le meilleur agent immobilier de la région. Il avait suffit qu'on lui lance le défi lors d'une soirée arrosée pour le convaincre d'aller visiter seul cette maison qu'on disait hantée. En allant à la mairie, il avait obtenu facilement les clefs du cadenas du portail et de la porte d'entrée... clés qui lui furent finalement inutiles puisqu'étrangement aucune des portes n'étaient verrouillées. Pier-Marc regretta de ne pas avoir amener une machette pour se frayer un chemin dans la muraille végétale qui valait à elle seule le meilleur système de sécurité. Pour atteindre le seuil de la porte d'entrée, il dût emprunté un inquiétant escalier au bois vermoulu. Il manqua de se blesser lorsqu'une marche céda son son poids. Pier-Marc ne se découragea pas, trouvant toutefois cela malchanceux. Lorsqu'il la poussa, la porte ne grinça pas, elle gémit telle une bête blessée. Dès que ses yeux se furent habitués à l'obscurité, ils rencontrèrent le regard menaçant d'un masque indigène. Il eut la désagréable impression qu'il était sur le point de profaner un temple. Son orgueil fut toutefois plus fort que la peur et il pénétra dans l'enceinte de la maison abandonnée. Le plancher ne craquait que par endroit, la poussière et le sable amortissant ses pas. Les quelques meubles laissés n'avaient pas été recouverts de toiles, laissant croire que les occupants n'avaient pas prévu quitter leur logis aussi longtemps. Pier-Marc quitta ce qui devait être la cuisine pour entrer dans ce qu'il crut être le salon... Jusqu'à ce qu'il remarque qu'il s'agissait plutôt d'un atelier de taxidermie. Des dizaines d'animaux empaillés, espèces d'ici et d'ailleurs, semblaient le fixer, près à bondir sur l'intrus. Pier-Marc ne voulut s'y aventurer plus loin et s'apprêtait à revenir sur ses pas lorsqu'il réalisa que la cuisine par où il était entré s'était métamorphosée... en chambre de torture. Cédant à la panique, il se précipita à l'autre bout de la pièce et frappa la cloison où aurait se trouver la porte d'entrée. Il s'épuisa contre le mur, en vain. Il se sentait soudainement claustrophobe et avait de la difficulté à respirer. Il perçut trop tard l'odeur d'un anesthésiant qui était diffusé dans l'air par de minuscules trous au plafond. L'esprit embrumé, le corps lourd, il se laissa choir sur le plancher sale. Avant de sombrer dans l'inconscience, il eut le temps de voir s'approcher une bête qui avait cru empaillée. Était-ce un animal-zombie?
M.B.