228 jours
Ses yeux tiquèrent, mais elle ne décela pas le rythme. On entendait toujours le seul claquement des doigts sur les touches.
Clac clac clac.
Il était tard.
228 jours
Déjà! songea-t-elle. Le temps passait si vite. Presque huit mois. Tout de même, pas mal de temps était passé, finalement. Elle ne savait pas trop pourquoi ce truc l’encourageait autant, mais ce nombre, en haut de son écran, était pour elle comme un phare à l’horizon d’un bateau qui lutte depuis si longtemps pour se sortir des vagues qui l’assaillent. Ce chiffre, pour elle, lui rappelait que le temps avance. Toujours.
228 jours sans sauvegarde. Votre ordinateur doit être branché à une source d’alimentation
Depuis qu’elle avait changé son ordinateur, en août, le programme de cessait de lui demander des comptes. Mais, à l’inverse de son ancien utilisateur, elle n’avait pas besoin de ce programme. Elle n’en avait même pas la prise! Mais depuis ce temps, l’ordinateur lui rappelait tout de même, plusieurs fois par semaine, son devoir de le brancher. Et ce petit écran comptabilisait, pour elle, le passage des jours.
228 jours
Elle avait eu tant de peine. De la colère et de la déception aussi. Elle n’avait pas compris, puis elle avait dû continuer, pédaler contre le vent et les vagues, et tenter de poursuivre son chemin. Déjà, pour lui, ce n’était plus rien. Elle, elle avait tort d’y penser encore, n’est-ce pas? Après tout, leur couple n’avait été, au fond, qu’une relation comme les autres, si banale et si ordinaire. N’est-ce pas? Enfin, elle avait fini par le croire. Il disait probablement vrai.
228 jours
Le temps, drôle de petit bonhomme capricieux, commence par passer si lentement qu’on s’efforce de passer à travers chaque jour, un par un. Puis, on s’accroche aux mois qui passent et qui, un par un, nous éloignent de notre petite fin du monde. Puis, enfin, le temps glisse et on ne le compte plus, il virevolte et on ne s’arrête plus que de courts instants, à peine pour le voir passer devant nos yeux.
15 jours
60 jours
100 jours
203 jours
228 jours
La veille de ce 10 août, elle l’avait reçu en cadeau, de son père, en échange de son vieil appareil. Un cadeau inespéré. Pour son année scolaire, ses projets. Pour lui faciliter la tâche, lui faire plaisir. Elle aurait cru qu’elle aurait mille occasions de lui partager son bonheur. Non, à ce moment-là, elle n’aurait jamais pensé qu’elle ne lui dirait jamais. Elle avait hâte, même.
Mais ce ne fut jamais le cas.
Son cœur se brisa le 10 août.
En mille miettes.
Et alors, le petit écran apparut.
1 jour
M.G.-G.