- Chéri, regarde un peu dehors, on arrive bientôt à la mer!
Il consent à un bref coup d’œil en se redressant sur son siège pour distinguer la bande floue à l’horizon.
- On arrive quand?
- Dans trente minutes environ.
Il calcule rapidement le temps qu’il lui faudrait pour finir son roman et y replonge de plus belle.
Elle soupire intérieurement, puis sourit. Elle ne devrait pas se plaindre que son fils soit un si avide lecteur en cette ère des écrans.
La route prend un tournant et la pente révèle enfin clairement la baie offrant une bouffée d’air salin. L’odeur lui chatouille les narines, agrandit son sourire. Le soleil perce les nuages et illumine les dernières gouttes de pluie sur le pare-brise. Le ciel rappelle les images bibliques avec ses puits de lumière ici et là. Il ne manque qu’un arc-en-ciel, se dit-elle en s’attardant à nouveau sur la route.
Ils croisent de plus en plus de motels et de campings, de boutiques souvenirs et de restaurants de fruit de mer. Cela fait des années qu’ils font ce chemin et se disent qu’ils devraient bien arrêter un jour au magasin de plein air, mais ne le font jamais ne voulant repousser l’heure d’arrivée après la longue journée de transport. Peut-être un jour de pluie, se convainquent-ils à chaque fois, en vain. Cette année sera peut-être différente, assurément, car elle l’est déjà sans son mari resté à la maison, ne pouvant prendre d’aussi longues vacances cet été. Il avait donc été entendu que le camping de début juillet aurait lieu malgré son absence, alors que celle-ci se ferait sentir plus que jamais. Tout prendrait deux fois plus de temps, défaire les bagages, installer la tente, préparer le repas… Surtout, feraient-ils autant de randonnées si elle était la seule à pousser dans le dos de son pré-ado? Si c’était le cas, ce serait la première et dernière fois qu’elle partirait seule avec lui.
Le ciel est complètement dégagé à leur arrivée au camping. Il parcourt rapidement les dernières pages, s’attarde à l’extrait du prochain tome qui n’est malheureusement pas encore publié. Il dépose son compagnon de voyage avec les autres déjà lus et constate qu’il va manquer de lecture. Il sort de la voiture et rejoint sa mère qui est en train de déplier la bâche.
- On est chanceux qu’il ait arrêté de pleuvoir pour installer la tente, commente-elle en lui tendant les montants à déplier et les piquets.
- On est chanceux d’avoir le même site que d’habitude… ajoute-t-il non sans une point de tristesse en pensant à son père qui ne les a pas accompagnés.
Ils parviennent à monter la tente sans trop de mal malgré tout. Au fil de l’installation, il se surprend à apprécier être l’homme de la situation. C’est à lui que revient les tâches paternelles comme transporter la glacière et partir un petit feu. Il propose même son aide à la préparation du repas alors que normalement il se serait installé dans sa chaise avec un livre pour attendre que le souper soit prêt. Sa mère apprécie déjà ces vacances à deux et lui aussi.
Il ne manquera peut-être pas de lecture finalement.
M.B.