Lorsque tu es venu souper chez nous, tu m’as rapidement fait comprendre que tu ne voulais pas vraiment parler de l’éléphant dans la pièce. Je me sentais un peu coupable de n’avoir réalisé que trois semaines plus tard que tu étais en arrêt de travail, que tu n’étais pas retourné à l’école comme prévu au retour des Fêtes… C’est pour dire comment tu devais être épuisé! Je te comprends de ne pas avoir crié sur tous les toits ton état, mais je m’en veux de ne pas avoir remarqué plus tôt grâce à Strava que tu t’entrainais presque tous les jours et en plein avant-midi… Je repensais à tous les kudos que je t’avais envoyés alors que tu avais besoin de sûrement plus. Je suis soulagée de voir que tu te gardes bien occupé avec tes entrainements de nage, de vélo et de course. Tu sembles t’y défouler, sainement. Le sport, la nutrition et la récupération font partie de ton mode de vie, de ton identité peut-être, et te représente davantage que n’importe quel poste ou tâche en enseignement. Toutefois, comme tu l’as dit toi-même, une journée sans entrainement effraie autant qu’une journée de congé forcé… mais c’est souvent lors de ces journées qu’on réfléchit davantage et qu’on entame des réflexions ou des démarches personnelles et professionnelles… Je me sens aussi un peu comme cela aujourd’hui, alors que l’école est fermée à cause de la tempête. Il y a un an, je tâchais de me garder occupée comme tu le fais aujourd’hui. Mon projet n’était pas une compétition sportive, mais une réorientation de carrière, rien de moins! Je donnais des cours quelques heures par jour, quelques jours par semaine, ne comptais plus les heures passées dans le transport en commun, un peu comme tu le fais avec l’entrainement ces derniers temps. Cela faisait déjà trois mois que j’avais remis ma démission, je ne me voyais pas revenir de si tôt dans le secteur jeune, car j’espérais une nouvelle carrière dans le secteur adulte. (Je ne sais pas si tu y penses aussi, je ne sais pas vraiment ce que à quoi tu penses en fait ces temps-ci… Je me sens une mauvaise amie.) J’avais l’espoir d’y trouver ma place, mettant toutes les écoles secondaires et tous les adolescents dans le même panier. Le temps m’a fait réalisé que l’enseignement aux adultes n’était pas assez stable pour moi, mais ne pas avoir arrêté complètement l’enseignement m’a permis de confirmer que c’était ce que je voulais vraiment faire et pas seulement la seule chose dont j’étais capable.
Depuis quelques années, je t’admire de travailler au public, malgré les conditions déplorables. Je suis impressionné que tu aies tenu bon aussi longtemps! Même si tu as bâti ton ancienneté dans ta commission scolaire, je t’invite à essayer le secteur privé pour l’année prochaine… La tâche administrative y est moins lourde et la gestion de classe moins difficile dans la plupart des cas. D’ici le temps des entrevues, continue d’aller aux rencontres de soutien aux employés ainsi que de garder ton corps et ton esprit en forme. Prends le temps qu’il faut pour te reposer aussi. N’hésite pas à m’écrire ou à m’appeler… Il y a longtemps qu’on ne s’écrit plus de longues lettres, les réseaux sociaux nous donnant l’impression d’avoir assez de nos nouvelles.
À tort ou à raison, j’ai l’impression de comprendre ce que tu vis. Saches que tu n’es pas seul et qu’il me ferait plaisir de t’écouter ou de te lire.
M.B.-ton-amie-d’enseignement-et-d’entrainement