Brossons le portrait d’une journée typiquement parisienne du mois de mai : petit vent et température fraîche, légère pluie à l’occasion, intermittente, inattendue. Une jeune fille arrive à vélo devant un immeuble tout aussi parisien. Elle attache son vélo, mais n’entre pas. Ce n’est pas qu’elle ne veut pas entrer, mais elle ne le fait pas, tout simplement. Ce sera pour plus tard. Pour le moment, elle sort une orange de son sac à dos et plonge ses ongles sous la pelure. Elle l’épluche au complet, morceau par morceau, puis la mange tranquillement. Elle se trouve alors à un mètre de l’immeuble, immobile, l’orange dans une main et les quartiers déchiquetés dans l’autre. Nous nous arrêtons ici pour ce premier portrait.
Un second personnage entre dans la scène. Il s’agit d’un jeune homme, moyen, brun. Parisien. Il approche d’un immeuble d’un pas lent. Il jette un regard à la jeune fille qui le regarde aussi. Ce regard échangé ne dure qu’une brève seconde, la jeune fille retourne à son orange, l’homme met les mains dans ses poches et regarde machinalement le sol. Il se trouve alors à un mètre de l’immeuble, immobile. Les deux personnages sont donc tous les deux face à cet immeuble, l’un d’un côté, l’un de l’autre.
L’homme sort une cigarette, l’allume. Souffle la fumée vers la rue. Regarde la jeune fille. La jeune fille amène un quartier d’orange à sa bouche. L’homme fume, la jeune fille mange.
Il fallait y être pour saisir à la fois la force et l’incongruité de ce portrait opposant deux figures qui se repoussent l’une l’autre. La fille, le garçon. Une orange, une cigarette.
La fille engloutit son dernier quartier d’orange et entre dans l’immeuble. L’homme écrase sa cigarette. Et quitte vers la rue.
M.G.-G.