M.B.
Tout était parfait. J’avais trouvé sur mon bureau au travail un bouquet et une invitation pour le soir même. C’était signé Votre chevalier servant, mais cela ne pouvait être que lui. Lorsque nous nous sommes croisés dans l’ascenseur sur l’heure du diner, nous avons essayé de cacher notre complicité puisque nous n’étions pas seuls. En vain, car tout le département avait suivi les développement de notre romance, certains même la commentaient comme si c’eût été une téléréalité. Je quittai l’immeuble vers seize heures ayant fini mes comptes plus tôt que d’habitude. Je remarquai que lui-aussi, puisque que je ne vis pas sa voiture dans le stationnement. Je marchai jusqu’à chez moi, la tête dans les nuages, le cœur en fête. Soudain, je m’inquiétai de ce que j’allais bien pouvoir porter. Je rentrai dans l’appartement en courant presque sous l’énervement et filai sous la douche. Je rasai mes jambes deux fois plutôt qu’une, ayant décidé de mettre la seule robe élégante que j’avais. Je me maquillai davantage que d’habitude, mais laissai mes cheveux sécher à l’air libre. J’écrivis un mot à mon fils pour lui dire que je renterais tard et qu’il restait plusieurs choix de repas dans le frigo, lorsqu’on sonna à la porte. Je me dépêchai d’aller ouvrir en prenant mon sac à main et mon manteau. Je ne souhaitais pas lui faire visiter l’appartement dans cet état! Je le découvris dans le hall d’entrée de l’immeuble, beau comme jamais : il avait lissé ses cheveux vers l’arrière ce qui le faisait ressembler plus que jamais à un Italien. Il sentait bon, le même parfum que d’habitude, à mon plus grand bonheur. Cette odeur le précédait et le suivait partout au travail et mon odorat s’était particulièrement développé depuis quelques semaines (je surprenais son odeur sur les dossiers de fauteuil de la salle de conférence!). Je le complimentai sur sa tenue en même temps que lui le fit sur la mienne. Il me donna son bras en galant homme. Nous marchâmes (trop peu longtemps malheureusement) bras dessous, bras dessus jusqu'à un restaurant de tapas renommé (et à l’addition salée qu’il paya volontiers). Je n’avais pas mangé d’aussi bons plats depuis longtemps, n’étant pas aller au restaurant ces derniers mois. Nous parlâmes de tout et de rien, nous rîmes beaucoup et échangeâmes plus que des yeux doux: nos pieds sous la table étaient moins sages que nos mains dessus. Au parc, nous allâmes prendre une marche digestive (heureusement!). Devant la fontaine, nous finîmes par nous assoir. Je n’avais jamais remarqué le potentiel romantique de cet endroit où j’allais courir deux ou trois fois par semaine. Nous cessâmes de parler avec des mots, pour parler avec les yeux, les mains puis, enfin, avec des baisers. C’est qu’il embrassait comme un prince! Sentant que nous étions sur la même longueur d’ondes, il me proposa d’aller chez lui. Je le suivis sans même une hésitation, pendue à ses lèvres, à ses beaux mots, à ses tendres sourires et à la promesse d'autres baisers. Je ne remarquai le trajet jusqu’à son appartement, lequel je découvris impeccablement rangé comparé au mien. (Il avait prévu notre venue, le coquin! Je ne lui en voulu pas, au contraire.) À son apparente surprise, je le poussai sur le divan pour mieux l’embrasser. Je découvrais le désir comme une adolescente : peu importe l’âge, la naissance d’une aventure procure toujours la même excitation que la première fois. J’aspirais son parfum à grandes goulées en embrassant son cou, passant la main dans ses cheveux, alors que lui, s’attardait au bas de mon dos, appuyait son bassin contre le mien. Il était parfait: romantique et désirable, passionné et attentionné. Toutefois, soudainement, comme il voulu passer à la chambre, je n’eus pas totalement la tête à cela. Je venais de penser à lui qui m’attendait à la maison. Qui devait s'inquiéter malgré lui, peut-être même à attendre mon retour en écoutant la télévision. Je ne pouvais profiter de cette nuit d’amour sans pensez à mon fils, douze ans, qui se gardait pour la première fois.
M.B.
1 Commentaire
Kevin
9/30/2014 11:49:31 am
Il me revient un commentaire, à prendre plus ou moins littéralement, que j'ai entendu d'un prof (ou était-ce un auteur?): c'est comme un coït sans cesse interrompu... On parlait d'un Calvino, «Si par une nuit d'hiver un voyageur», le roman des commencements de romans. Ici, le début d'une aventure, tout juste effleurée, qui dans le détail lentement mais sûrement rassemble son élan... pour s'interrompre mieux. Génial.
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