Je n’aimerais pas être un garçon. Être comme toi quelqu’un de si compliqué, alors que d’habitude ce sont les filles qui sont supposées l’être, courir comme toi après quelque chose que je ne connais pas et dont je ne sais même pas de quoi il s’agit, être étourdie et étonnée de la vie comme s’il ne m’était jamais rien arrivé, me sauver plutôt que d’affronter, non, je n’aimerais pas être un garçon, en fait, je n’aimerais pas être toi.
Je n’aimerais pas être un garçon. Être si naïve et croire bêtement à ce qu’on me dit comme toi, écouter les échos et les voix qui me pourrissent le jugement, avoir l’air si forte mais être si faible d’esprit et sans envergure, poursuivre un idéal qui ne s’atteint pas et croire quand même que le meilleur est à venir, vouloir des choses impossibles et tasser ce qui l’est pourtant, cueillir des pommes sans les manger pour les laisser pourrir et refuser de courir pour plutôt marcher, sécuritaire et affranchie, non, je n’aimerais pas être un garçon, et surtout, je n’aimerais pas être toi…
… mais parfois si.
Parfois j’aimerais être capable de ton détachement et de ta vie routinière, de tes désirs simples et de ta satisfaction pour ce qui tourbillonne autour de toi, parfois j’aimerais pouvoir me contenter de peu et ne rien demander d’impossible, parfois, j’aimerais être satisfaite de ce que je suis sans vouloir me dépasser sans cesse et sans en récolter des maux de tête, ne pas me mettre volontairement les pieds dans les plats ni m’égarer de la chaussée dégagée, oui, des fois j’aimerais être capable de cela, comme toi.
Mais parfois non. Parfois non, car il m’est impossible de rester immobile à regarder passer le train sans tenter d’y embarquer, de fermer les yeux devant ceux qui me font des signes pour que je les suive, non, car même si je me retrouve souvent perdue au travers des rues, j’avance et je grimpe les marches de l’Escalier malgré tout, parfois non, car les horizons m’appellent comme des aimants qui relieraient mon cœur au ciel, puis à la mer, et car je ne pourrais jamais me contenter de ce peu qui t’entoure, moi ma tête comme mes pieds aspirent les kilomètres sans jamais atteindre le vide et j’halète, le sourire aux lèvres, de tout ce vent que j’aspire par mes poumons assoiffés, oui parfois j’aimerais être comme toi et j’aimerais être celle que tu voudrais que je sois. Mais pas toujours.
J’aimerais parfois pouvoir comprendre quelque chose aux garçons. Ce qui se passe dans ta tête, sans être capable de franchir tes lèvres, me laisse muette à mon tour et m’agace au plus haut, ce qui fait sens pour toi m’échappe et tes raisonnements que tu dis simples ne le sont pourtant pas, j’aimerais comprendre les mécanismes qui contrôlent ta peur et qui allument ta panique, la « switch » qui alerte les urgences, la pédale qui s’occupe du frein et l’emplacement de ton « break à bras ». Parfois, j’aimerais comprendre. Mais pas toujours.
Pas toujours, car, tenter de comprendre me fait mal et me torture, mes méninges surchauffent et je m’en viens à douter de tout, c’est compliqué, vouloir comprendre ne fait qu’aggraver les choses et les amènent à un point de non-retour, lorsque toi et moi on se regarde sans pouvoir rien dire de plus, emprisonnés dans nos pensées respectives, non, en fait, pas toujours, car le problème avec les garçons, c’est qu’il n’y a, en fait, rien à comprendre.
M.G.-G.