J’ai toujours aimé l’école et voulu devenir enseignante. Durant les vacances, je jouais à l’école avec ma sœur, j’adorais créer des examens et des documents de théorie. Plus tard, j’ai découvert les présentations Power Point, lesquelles j’animais pour présenter le contexte historique de mes histoires. Adolescente, j’ai aimé faire mes cours de sauvetage, mais ai préféré mes cours pour devenir moniteur de natation. J’ai tellement aimé cela que j’ai fait la formation d’instructeur pour enseigner aux futurs moniteurs de natation. Cette période fut particulièrement importante dans mon parcours identitaire. Enseigner à des jeunes de 15 à 18 ans m’a confirmé mon intérêt pour le niveau secondaire, mais surtout pour la didactique, la relation entre l’apprenant, les contenus d’apprentissage et l’enseignant. Je donnais des formations un jour de fin de semaine pendant cinq ou six heures qui passaient pourtant si rapidement. J’en revenais épuisée, mais ravie. Plusieurs fois, j’ai remercié mes parents de m’avoir poussée à suivre des cours de natation puis de sauvetage. Quand j’ai décidé d’arrêter les formations, ça a été un petit deuil à faire. Désormais enseignante la semaine, je n’avais plus l’envie ni le temps d’enseigner une journée complète la fin de semaine. J’ai continué à donner des requalifications quelques soirées ou après-midi par nostalgie.
Ah, la nostalgie! Ce mot est plus qu’une émotion chez moi. J’ai toujours aimé archiver les bons souvenirs et m’en rappeler sans tristesse. J’ai toujours aimé les routines, les traditions informelles… Pendant longtemps, la routine était d’aller dans le Nord chez les grands-parents durant la fin de semaine. Puis, la routine fut de donner des cours de natation la fin de semaine et de travailler comme sauveteur durant l’été. Le monde des piscines fut le mien pendant au moins huit ans. C’était le meilleur moment de l’année : la période estivale favorisant la socialisation intensive à l’âge des premiers amours et des premières soirées arrosées. Plusieurs amitiés ont été forgées par un quotidien partagé au soleil et une proximité propice aux révélations lors des jours de pluie. C’était le début de l’âge adulte, dans mon cas, une période plus excitante que ne l’avait été l’adolescence, période tranquille à faire mes devoirs et en harmonie avec mes parents. Encore aujourd’hui, je suis nostalgique de ces étés-là, entre autres parce que je passe devant certaines installations où j’ai travaillé, mais surtout parce que j’ai continué d’aller nager. J’ai perdu contact avec mes anciens colocataires de piscine, mais c’est sans tristesse. Nous avions l’habitude de nous perdre de vue durant l’année, mais de se retrouver comme si de rien n’était une fois la belle saison revenue. Je suis convaincue que nous serions tout aussi heureux de nous recroiser et d’échanger des nouvelles sans qu’il y ait de malaises, chose moins possible avec d’autres amitiés «régulières» rompues plus abruptement.
Je n’ai pas beaucoup d’amis, je n’ai en jamais vraiment eu non plus. Si j’en ai souffert un peu au primaire, j’ai maintenant accepté ce fait. J’ai quelques amis très proches, des relations que j’entretiens sans effort et surtout par désir. Il n’empêche que j’ai découvert un besoin de socialisation lorsque j’ai arrêté de travailler au secondaire pendant un temps pour travailler en francisation auprès d’adultes. J’ai toujours été efficace lorsque je travaillais à la maison que ce soit pour mes cours universitaires, ma planification de cours ou ma correction. Bien que j’aimais donner des cours ici et là, me déplacer d’un emploi à l’autre, rencontrer des élèves intéressants, planifier quelques activités, je m’ennuyais d’avoir des collègues de travail avec qui discuter de tout et de rien, de ma vie par le fait même. J’ai réalisé que travailler dans une école avait le côté microsociété que j’aimais dans le monde des piscines. De la même manière, les sauveteurs «règnent» sur la piscine comme les profs se croient les «cools» parmi l’équipe-école. Aller donner des cours de français en entreprises ne me satisfaisait pas comme aller donner des formations à de futurs moniteurs, car partager mon intérêt pour la langue n’est pas aussi viscéral que partager mon amour pour l’apprentissage et l’enseignement.
Voilà, la boucle est bouclée… La passion pour l’apprentissage et l’enseignement, l’attachement pour la routine et la nostalgie heureuse, l’importance des rares amitiés et de la socialisation par le contexte, tout cela me décrit bien et décrit bien pour quelles raisons être en congé forcé pendant deux semaines me fait autant de peine.
M.B.