Votre laideur est telle que je ne puis vous regarder de face sans trembler, sans craindre que vos dents acérées me transpercent la peau du visage, sans redouter le jour où l’une de vos mains effleurera mon corps pour me le détruire aussi facilement qu’une caresse. Tout votre être me répugne et me fait frissonner, je fuis votre présence et m’enferme à double tour quand je vous sais près, m’écarte subitement lorsque, mon être longeant les murs, vous m’effleurez distraitement tel le léger passage du vent. J’ai peur de vous, vous m’effrayez lorsque trop proche de moi vous vous approchez et lorsque, d’une si cruelle fermeté vous parlez de votre voix si forte et si dure, brisant comme un cri mon ouïe pure. Votre carrure tout comme votre prestance macabre fait apparaître un froid tel dans mon dos et la crainte d’un contact venant de vous me rebute si horriblement que je n’en dors plus, moment où même mes songes deviennent prisonniers de votre image si horrible et inquiétante. Vos yeux, quant à eux, me transpercent si violemment que j’en ai mal, que je frémis et redoute que la faim de votre regard me dévore toute entière, mon corps tout comme mon âme.
Mais votre présence effrayante est la pire des malédictions puisqu’une fois réfugiée de l’autre côté de ma porte, je ne puis qu’espérer que vous reveniez vers moi, enveloppée que je suis alors de ce sentiment étrange mêlant le désir et la frayeur dont il est impossible de me défaire. Ces mains monstrueuses que vous me tendez cachent au plus profond d’elles une douceur que j’ai peine à percevoir parfois lorsque, assez longtemps, je suis à vos côtés et qu’elles réussissent un si peu à m’apprivoiser. Et votre carrure titanesque, tout en imposant dominance à ma frêle silhouette, laisse filer un presque imperceptible soupçon de peine, rappel nostalgique de la tristesse qui vous habite d’une vie passée et du désespoir aigu d’une vie présente. Cette parsème si finement entrevue de votre humanité ne fait, alors, que me ronger les sangs, cultivant mon désir curieux mais morbide de me rapprocher de vous et de vous découvrir. Je vous fuis, mon ami, tout en désirant profondément votre présence, je suis si effrayée, mais ce sentiment dévore mon cœur d’une attirance envers votre être qui me brûle, si puissante qu’elle détruit alors toutes mes assurances.
J’ai si peur de vous, mais il reste que, à la fois, je vous désire ardemment. L’amour est en lui-même un si cruel paradoxe,
Je vous aime,
La Belle
M.G.-G.