M.B.
Solution inspirée de cette sublime vidéo, à écouter avec ou sans son
Modestes plumes |
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Un timide poète semblait avoir trouvé le moyen idéal pour déclamer son amour aux belles qui faisaient chavirer son cœur. Le son de la guitare était un charme en soi et ce n'était que sous ses accords que l'artiste rêveur parvenait à exprimer sans gêne les vers que les femmes lui inspiraient. Si le biblique Sanson tenait sa force de ses cheveux, le romantique Jason tenait son courage de ses six cordes. Malheureusement pour lui, la femme de ses rêves ne pouvait prêter l'oreille à ses chansons d'amour, car elle ne comprenait qu'une langue étrangère. Jason tomba sous le charme de cette belle illustratrice qui maniait le pinceau encore mieux que lui maniait la plume. Il l'admirait pour sa beauté, pour son talent, mais aussi pour son irrésistible différence: elle était sourde de naissance. Jason avait toujours été intrigué par le langage des signes et il voyait là une excellente motivation pour l'apprendre. Toutefois, savoir signer quelques mots ne suffirait pas à conquérir sa belle. Il avait bien un poème à lui déclarer, plusieurs mêmes, mais il n'osait les lui envoyer par peur de paraître ridicule. Il n'y avait que la musique pour lui donner l'assurance nécessaire. Chanter une ballade autour d'un feu de camp entouré d'amis était un moyen plus subtile, donc moins risqué en cas de refus: la belle avait alors le loisir ou non de se reconnaître dans la chanson et alors la déclaration de sentiments réciproques lui revenait. Jason ne pouvait malheureusement user de cette stratégie avec sa charmante dessinatrice qui ne voyait en lui jusqu'à maintenant qu'un ami entendant qui baragouinait des signes. Même en se perfectionnant dans cette langue, Jason ne se sentait capable d'être aussi poétique. Comment exprimer autrement son inspiration, ses sentiments? Il contemplait sa guitare et ses notes depuis des heures, gratouillant son instrument à l'occasion pour se réconforter. Il pourrait danser et mimer sa chanson? Il pourrait peut-être la jouer si fort qu'elle pourrait en sentir les vibrations? Il ressassait ses vaines idées en gribouillant sur ses partitions lorsqu'il eut une illumination! S'il ne pouvait maîtriser suffisamment sa langue, si elle ne pouvait écouter ses déclarations musicales, c'est par l'une de ses propres armes, par un art visuel, qu'il tenterait de la conquérir! Il commença alors par emprunter à la bibliothèque des livres sur le dessin, puis, il s'acheta de bons crayons. Plusieurs fois par jour, il traçait, effaçait sans arrêt, recommençait sans relâche, persuadé que sa persévérance serait récompensée, car si les femmes aimaient les musiciens, elles raffolerait des portraitistes si elles en connaitraient! Jason croqua tant de fois le portrait de sa douce vision qu'il en fantasmait la nuit... Il vient à connaître par cœur les particularités de son visage comme s'il s'agissait là de la seule chose qu'il était capable de dessiner. Lorsqu'il fut assez habile pour le faire sans effacer, il pris son courage à deux mains et alla à la rencontre de sa secrète obsession. Elle fut ravie du portrait qu'il fit d'elle en dix minutes, mais elle lui répondit à en faisant un de lui, encore plus réaliste, qui plus est, en moins de trois minutes! Jason était anéanti par ce cadeau qui lui renvoyait en pleine figure le rappel de son piètre talent. Jamais il ne parviendrait à l'impressionner de cette façon... Penaud, il rentra chez lui. L’âme en peine, il rangeait son matériel de dessin lorsqu'il retomba sur ses partitions gribouillées. Les notes de musique ressemblaient à des oiseaux perchés sur des fils électriques, les croches inversées étaient transformées en fleurs, les rondes faisaient office de soleil, les double ou triple croches rappelaient des nuages de pluie. Cette innocente manifestation artistique inspira le poète. Il comprit que les symboles étaient au dessin, ce que sont les figures de style sont à la poésie : de manière imagée, les uns comme les autres consistaient en une interprétation plus personnelle que le dessin d’observation ou la simple description des faits. Jason entreprit alors de transformer les portées de sa chanson d’amour en paysages romantiques. Puis, avant que son courage ne s’essouffle, il posta le tout à sa muse inavouée. Cinq jours passèrent sans nouvelle. Puis, contre toute attente, l'espoir arriva sous la forme d'une réponse manuscrite. Elle tenait en les quelques mots suivants: tu m’apprendrais à jouer de cette musique?
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PLUMES ACTIVES
Marion G.-G.
Marjolaine B.
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Kevin O.
Archives
Mai 2020
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