Cette année toutefois, l’envie était moins grande. On avait jugé bon de reporter la rencontre après les Fêtes pour accommoder tout le monde. Les vacances étaient passées rapidement, le retour au travail était accaparent, si bien qu’ils avaient presque tous oublié le souper traditionnel qu’ils avaient reporté. C’est qu’ils ne se fréquentaient plus aussi souvent, voire rarement, depuis que chacun avait suivi sa voie. Ils ne travaillaient pas dans les mêmes domaines et ne partageaient plus de points en commun outre que leur passé. Pourquoi persister à se rencontrer? Pour mettre à jour les nouvelles, pour faire un bilan personnel tout en résumant les nouveautés passées? Pour se faire valoir, pour se convaincre d’avoir réussi, d’être devenu quelqu’un comme un le ferait dans un conventum informel? Pour se retrouver soi-même grâce aux souvenirs que les autres avaient conservés? Pourquoi se forcer à maintenir ses vieilles amitiés sous respiration artificielle par les réseaux sociaux? Chacun n’avait-il pas maintenant d’autres amis proches?
Ce classique souper avait failli tomber dans l’oubli si ce n’était pas de la motivation de chacun à ne pas décevoir les autres. Aucun ne voulait être le premier à briser la tradition avant que les autres ne soient prêts.
Ils étaient plus nombreux qu’ils ne l’avaient espéré! Bien qu’ils n’aient pas échangé de nouvelle depuis un an, la complicité semblait intacte! Les conversations allaient bon train, les bonnes et mauvaises nouvelles étaient partagées, tous voulaient tout savoir de tout un chacun! Ils avaient tant à dire, tant à écouter et tant à se remémorer! Les souvenirs agrémentaient les anecdotes plus récentes sans les alourdir, les secrets dépoussiérés suscitaient autant d’attraits qu’à leur première révélation. Ils apprenaient à connaître ce qu’ils étaient devenus avec un réel intérêt, car ils avaient partagé une période importante de leur vie, une période intimement liée à leur recherche d’identité…
M.B.