Le feu mourrait tranquillement dans le poêle. La femme se mordilla discrètement les lèvres, mais ne fit rien. Elle devait garder les quelques bûches qu’il lui restait pour des nuits plus froides ou sinon, ils ne feraient pas le mois. Ce soir, ils allaient devoir se contenter de couvertures supplémentaires. Le chien, couché plus loin, se leva et vint se dorloter proche des enfants. C’est vrai qu’il avait maigri lui aussi. Elle rajouta des couvertures sur les petits corps, s’assit, puis attendit.
Une heure plus tard, on cogna discrètement à la porte. Une silhouette sombre se profilait de l’autre côté, immobile. La femme alla ouvrir.
L’homme qui lui apparut était sale, maigre et mouillé par la pluie. Par la main il tenait un jeune enfant peu habillé, tremblotant. Il fixa la femme d’un air lourd, sans rien dire, et le tendit vers elle.
- Où était-il celui-là?
- Je l’ai trouvé couché quelque part, dans le vieux quartier. Je suis sûr qu’il n’a rien avalé depuis ce matin.
L’homme laissa traîner son regard dans le cou de la jeune femme, le promena sur ses cheveux, sur son visage. Il semblait soucieux. La femme garda les yeux rivés sur l’enfant, fuyant ceux de l’homme sur elle.
- Je vais m’en occuper.
Elle prit l’enfant délicatement par la main et l’amena à l’intérieur. L’homme retint la porte quelques instants.
- Si vous avez besoin de quelque chose, peut-être que je pourrais…
- Du bois, de la chaleur, c’est bien tout ce que j’ai besoin, ce que nous avons besoin, répondit-elle sèchement. Le reste est inutile. Il faut passer l’hiver, Jean.
- Je pourrais vous aider, à deux nous pourrions sûrement plus facilement…
- Je suis désolée, mais c’est toujours non. Et vous savez pourquoi. Je ne suis pas libre, Jean.
L’homme se reforgea, sembla sur le point d’insister, mais se tut, et, après l’avoir saluée d’un signe de tête, quitta la femme et disparut dans la nuit.
La femme déshabilla le petit garçon, le lava brièvement avec une serviette, et le fit rejoindre les autres, couchés sur le sol. Il s’endormit aussitôt.
Elle rejoignit la table, où elle s’assit, tremblotante, épuisée. Elle entoura ses petits corps de ses yeux amoureux mais inquiets, pria pour le lendemain, et sourit, malgré tout, de cette petite famille qu’elle avait créée, de ces enfants qu’elle sauvait de la rue pour venir grossir la foule de son logement. Elle les aimait comme s’ils étaient les siens, ces petits corps presque morts, meurtris, amaigris. Elle était leur dernier espoir.
Elle sentit pourtant une petite boule se créer dans sa gorge.
Puis elle éclata en sanglots.
Parapluie (n.m.) : 1. Objet portatif constitué par une étoffe tendue sur une armature pliante et par un manche, et qui sert d’abri contre la pluie. S’abriter sous un parapluie. 2. Couverture, protection.
M.G.-G.