Assise à la table de la cuisine je joue à vêtir mes poupées de carton.
Tu sais les vêtements que l’on fait tenir en repliant ces genres de bretelles de papier.
Pendant que mon frère monte son nouveau modèle à coller
Maman recoud de nouveaux rubans rose satinées aux chaussons de ballet de ma grande sœur. Aznavour chante ‘’Helene’’.
Lorraine repasse la nappe turquoise et blanche ou apparaît la carte de la Floride, dernier souvenir du séjour hivernal des grands-parents.
Je remarque le contraste de la couleur de ses bras café au lait sur la cotonnade fraichement pressée
Lorraine s’affaire, car elle est orpheline et on doit l’aider dit maman. Un sentiment de malaise me dit que c’est plutôt Lorraine qui nous aide aux taches ménagères.
Incompréhension, mais mes questionnements sont sans réponses de peur de déplaire.
Je me souviens de vacances d’été au `` stâ-unis ‘’ .Le trajet est long pour se rendre à la mer deux jours . Je me laisse bercer dans l’embrun du gravol que l’on m a fait ingéré, contre les nausées. Ou tout simplement pour que je sois moins agitée , coincée au centre sur la banquette arrière.
….Fermer les fenêtres , nous traversons une ville dangereuse dit papa. Assez pour m’inquiéter et provoquer un besoin soutien d’aller à la toilette, mais impossible ici les toilettes sont que pour les gens de couleurs….. je n’y comprend rien et demeure dans mon silence en retenant cette envie
Cinquante ans plus tard , la nappe turquoise avec ces flamants roses défraichis dort sur une tablette chez moi.
Aujourd’hui les doigts de ma mère ne cousent plus. Elle regarde par la fenetre du salon la vie qui passe sur le trottoir . Elle revient souvent sur le fait que ‘’les noirs sont plus noirs qu’avant et ils envahissent le quartier ‘’
Elle vit malheureusement à son tour un malaise et une incompréhension.
Tristement une fermeture intérieure ne lui permet pas de franchir cette ouverture multiethnique si riche.
Ode