Ne fut pas mince affaire que de réussir à obtenir un premier rendez-vous. Le second fut obtenu plus aisément, elle proposa le troisième. Entre soupers et sorties, on s’est apprivoisés pour éventuellement coucher ensemble. Cinq semaines à l’apprendre par chœur, par écrit ou au téléphone, à chaque heure d’éveil depuis l’aube de mon levé jusqu’à ses pauses vers minuit à l’hôtel. Par chœur de ses meilleures amies du secondaire jusqu’à ses tracas quotidiens d’assistante directrice. Par chœur de ses parents rencontrés sourire aux lèvres jusqu’à ses shampoings interdits par son type de cheveux. Et après six mois de vie commune, on se félicitait d’avoir été aussi entiché l’un de l’autre.
Le mec debout m’en a collé une à la mâchoire. Une solide. Suivant l’impact, je me suis effondré sur des fleurs qui ont pris des mois à pousser. Je suis couvert de boue. Elle est figée comme le jour de la conversation sur l’infonctionnalité de notre couple. Pas moyen de vivre une romance entre deux horaires surchargés, du stress de performance et des attentes impondérées. En parlant, la liaison est devenue l’option logique et comme de fait, se voir redevint doux, nous étions la solution à l’univers de l’autre et non plus une additionnelle source de conflit.
En cinq semaines, rendus légers par nos libertés, elle retrouva ses penchants aventureux, disparus depuis que nous eûmes planté le lilas devant sa porte. Un soir, ses employés ont su la convaincre de chanter avec le pianiste jazz du bar de l’hôtel. Dans sa blouse blanche et sa jupe noire tout à fait banale, de sa voix et de sa présence seule elle a terrassé ce connard opportuniste. Il dû combattre la peur et le doute pour oser lui adresser un mot, qui suffit à la transcender.
Elle n’a pas voulus me conter les détails quand on s’est revu. On avait fait l’amour une furibonde partie de la nuit et une tendre part du matin. Selon elle, tout s’est enchaîné comme quand une gouttelette roulant sur un pare-brise emporte toute les précédentes dans son élan. Ils ont passé une fin de semaine complète de presque silence mystérieux à se faire l’amour comme si leur vie en dépendait, à ne rien comprendre de cette connexion soudaine, à souder leurs deux mondes. Le dimanche soir les a rappelés à la vie. La semaine durant, les envies, les messages, les textos, les courriels et les appels n’ont pas suffi à les réunir. Pour étancher sa furie, elle m’a contacté.
Le jeu a continué un temps. Eux qui tentent de se voir, nous qui y arrivons, elle qui en fait ne veut que lui sans pouvoir se passer de moi qui n’y voit pas d’inconvénient. Pendant ce temps, le mec debout avec maintenant mon sang sur son poing se rongeait les siens et finit par dénicher l’adresse de la belle.
Il débarque, nous voit assis auréolés de lilas, me démonte la face. La boue qui me couvre la face, les mains et la plaie est le juste linceul qui m’apprend que les fleurs ne poussent jamais sans fange.
XIEL