Il avait son petit circuit habituel, qu’il faisait en sens antihoraire un jour sur deux. Il commençait sa tournée vers 15h par l’édicule en se tenant en haut ou en bas des escaliers. Si un gars s’y trouvait déjà, il évitait habillement les tourniquets pour aller prendre la prochaine rame. Il évitait d’importuner les passagers une fois sur le quai ou dans le wagon. Une station plus loin, il suivait la marée humaine avec l’agréable impression d’être un travailleur comme les autres. En apercevant un compétiteur déjà en poste dans le long corridor, il hâta le pas en espérant ne pas arriver en retard à son coin de prédilection : celui de l’épicerie. Il bouscula une fille qui se tenait du mauvais côté de l’escalier. En grommelant une excuse sans se retourner, il enjamba les dernières marches. Même s’il était essoufflé, il ne ralentit pas et fonça sur une porte battante… malheureusement bloquée. Il sacra et prit l’autre porte en évitant de croiser les regards amusés des témoins. Une fois à l’extérieur, le soleil l’éblouit et le vent froid le transperça. «La température idéale pour attirer la sympathie des passants», pensa-t-il. Encore mieux, la chance lui souriait un peu : pas un quêteux n’avait pris racine à son emplacement préféré. Non seulement, c’était propre, mais en plus, c’était le contexte parfait: «Un peu de change pour manger, s’il vous plait?... » était beaucoup plus convainquant lorsque Monsieur-Madame-tout-le monde sortaient les bras chargés de leurs courses. En réalité, s’était si efficace qu’il ne prenait plus la peine de quémander, son gobelet de café vide suffisant à l’identifier. Lors des bons jours, en moins de quinze minutes, il pouvait recevoir presque quatre dollars en monnaie trop encombrante. Aujourd’hui, les gens semblaient avares ou pressés comme c’est souvent le cas les vendredis soirs. Ils aimaient les observer et s’imaginer leurs vies de famille et leur travail… La prochaine personne à sortir de l’épicerie semblait bien prendre son temps pour vérifier sa facture et placer ses denrées dans son sac déjà plein. «Une autre qui économise sur les sacs! Elle préfère garder sa caisse de clémentines sous le bras plutôt que – Merci, merci beaucoup!» Il accepta les fruits que la jeune femme lui tendait avec un maigre sourire mais sincère. Elle s’éloigna rapidement, le feu lui l'invitant à traverser la rue. Elle était déjà hors de vue lorsqu'il réalisa qu'il s'agissait de la fille qu’il avait bousculée dans l’escalier.
(Retour progressif à l'écriture par l'intermédiaire de l'autofiction) Il avait son petit circuit habituel, qu’il faisait en sens antihoraire un jour sur deux. Il commençait sa tournée vers 15h par l’édicule en se tenant en haut ou en bas des escaliers. Si un gars s’y trouvait déjà, il évitait habillement les tourniquets pour aller prendre la prochaine rame. Il évitait d’importuner les passagers une fois sur le quai ou dans le wagon. Une station plus loin, il suivait la marée humaine avec l’agréable impression d’être un travailleur comme les autres. En apercevant un compétiteur déjà en poste dans le long corridor, il hâta le pas en espérant ne pas arriver en retard à son coin de prédilection : celui de l’épicerie. Il bouscula une fille qui se tenait du mauvais côté de l’escalier. En grommelant une excuse sans se retourner, il enjamba les dernières marches. Même s’il était essoufflé, il ne ralentit pas et fonça sur une porte battante… malheureusement bloquée. Il sacra et prit l’autre porte en évitant de croiser les regards amusés des témoins. Une fois à l’extérieur, le soleil l’éblouit et le vent froid le transperça. «La température idéale pour attirer la sympathie des passants», pensa-t-il. Encore mieux, la chance lui souriait un peu : pas un quêteux n’avait pris racine à son emplacement préféré. Non seulement, c’était propre, mais en plus, c’était le contexte parfait: «Un peu de change pour manger, s’il vous plait?... » était beaucoup plus convainquant lorsque Monsieur-Madame-tout-le monde sortaient les bras chargés de leurs courses. En réalité, s’était si efficace qu’il ne prenait plus la peine de quémander, son gobelet de café vide suffisant à l’identifier. Lors des bons jours, en moins de quinze minutes, il pouvait recevoir presque quatre dollars en monnaie trop encombrante. Aujourd’hui, les gens semblaient avares ou pressés comme c’est souvent le cas les vendredis soirs. Ils aimaient les observer et s’imaginer leurs vies de famille et leur travail… La prochaine personne à sortir de l’épicerie semblait bien prendre son temps pour vérifier sa facture et placer ses denrées dans son sac déjà plein. «Une autre qui économise sur les sacs! Elle préfère garder sa caisse de clémentines sous le bras plutôt que – Merci, merci beaucoup!» Il accepta les fruits que la jeune femme lui tendait avec un maigre sourire mais sincère. Elle s’éloigna rapidement, le feu lui l'invitant à traverser la rue. Elle était déjà hors de vue lorsqu'il réalisa qu'il s'agissait de la fille qu’il avait bousculée dans l’escalier. M.B.
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PLUMES ACTIVES
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Marjolaine B.
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Mai 2020
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